« L’HOMME EST UNE ACTION MERVEILLEUSE
PARCE QU’IL VEUT LA VERTU [...]
L’HOMME EST UNE PENSÉE MERVEILLEUSE
PARCE QU’IL VEUT LA VERTU »
‘ THE MAN IS AN ACTION MARVELOUS
BECAUSE HE WANTS THE VIRTUE [...]
THE MAN IS A THINKING MARVELOUS
BECAUSE HE WANTS THE VIRTUE ‘
Le Président est attendu au Vatican ce 26 juin. Quand il ne consulte pas régulièrement des religieux, le chef de l'État se sent touché par le doigt de Dieu. Analyse d'une vision du pouvoir placé sous le signe de la transcendance.
Mi-février, Emmanuel Macron organise un dîner à l'Élysée sur le thème de la fin de vie. Autour de la table, des responsables associatifs et du monde médical, mais aussi des représentants religieux dont l'archevêque de Paris, Michel Aupetit. En moins de deux mois, c'est la troisième fois que le Président rencontre des représentants des cultes. À la fin du repas, Emmanuel Macron glisse au président de la Fédération protestante de France, François Clavairoly : « Nous nous reverrons bientôt. » Il a tenu parole. La plupart d'entre eux – et l'on ne compte pas son allocution devant les évêques de France début avril – sont revenus au mois de mai. Cette fois pour parler de PMA.
Jamais du temps de François Hollande
une telle proximité n'avait été affichée avec la sphère ecclésiastique et le religieux en général. Au grand dam des tenants d'une laïcité stricte, Emmanuel Macron ne cesse de questionner l'idée de transcendance. Il parsème ses discours de multiples références en surplomb. À Aix-la-Chapelle (Allemagne) en mai, où il a reçu le prix Charlemagne, il va interpeller les Européens d'un « Réveillez-vous » à consonance évangélique et énoncer ses « quatre commandements » quasi bibliques. Dans sa récente interview donnée à La NRF (La Nouvelle Revue Française), il convoque le penseur chrétien Pascal et son « Nous sommes embarqués au-delà de la sphère individuelle ». Lors de l'hommage au colonel Beltrame, le chef de l'État a égrené presque tous les fondamentaux du catholicisme : « Il y avait le sens de la vocation, de l'éternité, le salut, la quête de sens, détaille un prêtre qui l'a rencontré à plusieurs reprises. On aurait dit une homélie. »
Emmanuel Macron, un Président spirituel
?
Pour François Clavairoly, c'est évident : « Le Président assume la question de la transcendance et possède une vraie pensée sur la religion et la laïcité. » « Il est habité à titre personnel, au point de livrer des éléments biographiques, comme sa demande de baptême à l'âge de 12 ans », complète un ecclésiastique, avant d'ajouter : « Il endosse sans complexe l'idée selon laquelle le fait religieux relève totalement du fait social et que vouloir l'expurger c'est faire violence à la société. »
Contrairement à certains de ses ex-camarades socialistes
– pour ne pas citer l'ancien Premier ministre Manuel Valls –, Emmanuel Macron estime, en effet, que la laïcité ne doit pas s'appliquer à la société. En janvier, devant une centaine de journalistes réunis sous les ors élyséens, il dépliait sa pensée « complexe » : « D'un point de vue presque anthropologique, il est normal que nos concitoyens croient dans des religions. Cela fait partie de la vie en société. De ce qui peut être nécessaire pour l'homme. On ne doit pas gommer cette part irréductible. » Bref, « le laïcisme de combat », très peu pour lui. Les religions ne sont en aucun cas une menace. Bien au contraire. La République a besoin de leur concours, et réciproquement.
Un intérêt historique pour le catholicisme
L'enfant des Jésuites et de la République est d'abord un élève fidèle de Paul Ricœur. Le philosophe n'a jamais relégué le spirituel dans la sphère privée, mais appelle à ce qu'il s'exprime dans le débat public « avec tact et tolérance ». « Pour sa part, le politique doit trouver sa juste place, "élevée" mais pas suprême », explique Pierre-Olivier Monteil, auteur de Macron par Ricœur, le philosophe et le politique (Lemieux). « Il a le sens de ses limites et s'abstient de régenter les mœurs. Mais il peut arbitrer par la délibération, entre les valeurs. » Au Collège des Bernardins, à Paris (Ve), Emmanuel Macron a cité un bout du Plaidoyer pour l'utopie ecclésiale du penseur protestant. Cette fois, pour inciter les chrétiens à « maintenir un but lointain pour les hommes, appelons-le un idéal, en un sens moral, et une espérance, en un sens religieux ».