« L’HOMME EST UNE ACTION MERVEILLEUSE
PARCE QU’IL VEUT LA VERTU [...]
L’HOMME EST UNE PENSÉE MERVEILLEUSE
PARCE QU’IL VEUT LA VERTU »
‘ THE MAN IS AN ACTION MARVELOUS
BECAUSE HE WANTS THE VIRTUE [...]
THE MAN IS A THINKING MARVELOUS
BECAUSE HE WANTS THE VIRTUE ‘
Henri Quantin, publié le 09/04/2018
Voilà que Sa Sainteté récidive. Voilà qu’elle cite à nouveau Léon Bloy, génie réduit par ses adversaires – dont beaucoup d’ecclésiastiques – à « un lanceur de boules puantes dans les salons mondains » ou à « un Diogène de lupanar ». Dans la chapelle Sixtine, à peine élu, Jorge Bergoglio avait ouvert son pontificat sous le signe du « pèlerin de l’Absolu » : « Celui qui ne confesse pas Jésus-Christ, il me revient la phrase de Léon Bloy : “Celui qui ne prie pas le Seigneur prie le diable.” Quand on ne confesse pas Jésus-Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon. » (La phrase exacte de Bloy est : « Quand nous ne parlons pas à Dieu ou pour Dieu, c’est au diable que nous parlons et il nous écoute… dans un formidable silence. » – Le révélateur du globe, in Essais et pamphlets, Bouquins.) Citer au cœur du Vatican une phrase qui venait de la période où Bloy faisait ses débuts d’écrivain dans le cabaret montmartrois du Chat-Noir ne manquait pas de sel. C’était rappeler aux prélats qui l’auraient oublié – on n’ose pas envisager qu’ils ne l’aient jamais su – que le Prince de ce monde est expert en mondanité, là où l’Église entend être experte en humanité.
Cinq ans plus tard, dans sa nouvelle exhortation apostolique, François donne une nouvelle caution pontificale à celui qui ne fut jamais tendre avec les papes, surnommant Benoît XV « Pilate XV » et notant dans son Journal à la mort de Léon XIII : « Il y a plus de vingt ans que j’attends son successeur. » Cette remarque avait même valu à Bloy une lettre indignée d’un jésuite que sa conscience obligeait à se séparer d’un homme qui parlait si mal du souverain pontife.
Au fond, comme disait Léon Bloy, dans la vie “il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints”. – Pape François
À la fois pape et jésuite, François ne semble pas craindre les pages bloyennes. Sans se hasarder à imaginer ce que Bloy aurait écrit de François – pastiche qui pourrait toutefois se révéler fécond –, on se contentera de relever la nouvelle citation offerte par le pape à notre méditation. Au paragraphe 34 de Gaudete et Exsultate, on lit : « N’aie pas peur de viser plus haut, de te laisser aimer et libérer par Dieu. N’aie pas peur de te laisser guider par l’Esprit Saint. La sainteté ne te rend pas moins humain, car c’est la rencontre de ta faiblesse avec la force de la grâce. Au fond, comme disait Léon Bloy, dans la vie “il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints”. »
Précisons d’où vient la phrase de Bloy, pour en mesurer toute la portée, sans la réduire à un slogan pour sweat-shirt de catholique diplômé en communication. La phrase clôt La Femme pauvre, second roman de Léon Bloy, publié en 1897. Rappelons aussi au passage que ce roman révéla « la réalité du christianisme » à Jacques et Raïssa Maritain, alors jeunes étudiants déboussolés, prêts à se donner la mort plutôt que de vivre sans avoir rencontré la Vérité.